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Les avocates prennent la parole pour représenter et pour assister leurs clients, mais rarement pour raconter leurs personnalités, leurs parcours et leurs pratiques. Apprenons à connaître les femmes derrière la robe !

En 2018/2019, Isabelle-Eva TERNIK a mené toute une série d’entretiens avec Christine MEJEAN, qui ont été publiés chaque mois dans la chronique « Avocates, inspirez-nous! » en 2019/2020 sur le site internet Village Justice :

IMPORTANT: Les titres en couleur verte « Entretien n°… avec … » sont cliquables et permettent d’accéder à l’intégralité de l’entretien.

 


 

Le 9 juillet 2020, une belle aventure s’est terminée… Christine MEJEAN et moi vous racontons les coulisses de notre chronique dans une interview à 2 voix :

Comment est née l’idée ? Quelles ont été nos motivations ? Qu’est-ce que cette chronique nous a apporté ?

Cliquez ICI pour lire l’article « Le making-of » publié par Village Justice.

 


  • Entretien avec Nathalie GANIER RAYMOND, avocate en droit pénal, droit d’auteur et droit de la famille, adepte du théâtre d’improvision, formatrice en droit collaboratif à l’AFPDC et nouvelle élue au Conseil de l’Ordre 2020.

Quelques extraits:

« Il y a une chose que j’ai toujours détesté, c’est quand tout le monde se ligue contre quelqu’un ! L’uniformité de la pensée est dangereuse. J’avais et j’ai toujours la conviction que la mission de l’avocat est de s’interposer en cas de lynchage. Tout homme même le plus affreux mérite d’être défendu : on l’oublie parfois aujourd’hui en croyant agir dans l’intérêt des victimes. Je suis gênée lorsque des avocats surjouent la victimologie comme si l’état de victime était définitif alors qu’il s’agit d’un état transitoire, qui peut se surmonter avec un accompagnement adapté. La liberté de la victime c’est aussi de ne pas être enfermée pour toujours dans un statut de victime qui peut entraver sa reconstruction. »

« Défendre son client ce n’est pas penser à sa place. »

« […] il est important de prendre conscience de ses propres biais d’interprétation pour être capable de s’en détacher. »

« Il arrive que certains confrères adoptent une attitude si protectrice devant leur client qu’ils font écran : je me retrouve alors bloquée pour l’élaboration de solutions, car ce confrère ferme toutes les portes et toutes les fenêtres que j’ouvre. Il me semble que si nous avocats faisons rempart, nous risquons aussi d’infantiliser nos clients, d’empêcher tout dialogue et donc toute co-construction d’une issue amiable. »

« Il est important de garder à l’esprit que même dans une « situation cliché », chaque personne a ses aspérités. »

« [En droit collaboratif] Nous, avocats, ne sommes plus adversaires mais co-équipiers.»

« Le théâtre d’improvisation est mon sas de décompression depuis 30 ans. En début de séance d’improvisation, on ne sait pas où on va, mais on décide d’y aller ensemble. Une improvisation fonctionne, quand on renonce à ses certitudes, accepte de ne rien maîtriser et coconstruit avec l’autre.»

 


  • Entretien avec Elizabeth OSTER, avocate en droit commercial, ancienne élue, qui a œuvré pour plus de transparence dans les finances du Conseil de l’Ordre.

Quelques extraits:

« La Justice est un pilier de la démocratie : on voit bien qu’elle est attaquée de toute part, soit frontalement par un budget ridicule (la France étant derrière l’Azerbaïdjan dans les classements de la CEPEJ), soit plus sournoisement, par la création d’embuches procédurales et par la multiplication de strates de réglementation qui s’empilent et parfois se contredisent. »

« Il y a des combats qu’on doit mener même si on sait que le risque de les perdre est important, parce que la société n’est pas prête ou que la loi est mal faite. Il faut se battre pour impulser des changements, car le droit est en perpétuelle évolution. »

« Lors de ma prise de fonction d’élue au Conseil de l’Ordre de Paris, j’ai été interpellée par l’entre soi qui y régnait. Pendant mon mandat, j’ai œuvré avec ma consœur Elisabeth CAULY pour que les élus agissent dans l’intérêt collectif de la profession. Ainsi, lorsque nous avons constaté que 5 millions d’euros étaient sortis de la caisse de l’Ordre de Paris en 2012 sans justification, nous avons porté l’affaire devant les tribunaux : en 2017, la Cour de Cassation a d’ailleurs confirmé l’annulation de ces comptes 2012. Ne nous voilons pas la face, il existe une crise de confiance entre les avocats et leurs institutions. »

« Comme un guide de haute montagne, j’interviens dans des situations délicates : j’identifie un danger, j’évalue les risques, j’ouvre une nouvelle voie et j’assure la mise en sécurité. »

« Il est fréquent de se tromper dans notre métier où tout est évolutif. Il ne faut jamais ni se décourager ni renoncer. On commet tous des erreurs, c’est inévitable, alors stop à l’auto flagellation ! »

« Il est primordial de préserver notre indépendance. Malheureusement, nous avons du mal à nous fédérer entre avocats, ce qui laisse le champ libre à des tiers extérieurs. A titre d’exemple, les plateformes de mise en relations avec des avocats : il s’agit d’un processus d’uberisation, qui coupe le lien direct entre l’avocat et le client. L’avocat qui travaille avec une plateforme n’est plus un avocat indépendant. Je comprends l’effet de séduction sur certains confrères, car la plateforme amène de nouveaux clients. Mais les confrères doivent se rendre compte qu’ils seront captifs de la plateforme, qui va déterminer leur rôle – de façon insidieuse – en définissant le type de documents prérédigés ou encore en imposant des délais de réponse. »

 


  • Entretien avec Christelle MAZZA, avocate en droit de la fonction publique, qui se bat, avec force et conviction, aux côtés des agents de l’Etat, victimes de harcèlement.

Quelques extraits:

« Il ne faut rien lâcher, sortir de la norme, suivre son intuition ! Ma satisfaction au quotidien est de trouver la faille dans un dossier. Il y en a toujours une ! »

« Avec mon approche pluridisciplinaire qui associe psychiatres, psychologues, sociologues et philosophes, je vise avant toute chose à apporter une solution adaptée à la souffrance de mon client. Avant d’élaborer une stratégie juridique, je mène un véritable travail d’enquêteur. Concrètement, je m’affranchis de la vision du client et je rentre dans la sociologie du service. Avec cette démarche, je sors mon client du processus de victimisation. »

« Mener vie professionnelle et vie familiale en parallèle, cela implique quoi concrètement ? Soit on ralentit un peu sa carrière… soit on délègue un peu ses enfants… Avec ou sans enfant, on n’a ni le même rythme de travail ni les mêmes hobbies. C’est mathématique ! »

« Quand on pense au métier d’avocat, on imagine le travail intellectuel, la plaidoirie, la noblesse de la charge. Or, il y a beaucoup de temps consacré à la gestion administrative et financière, la recherche de clients, le développement commercial. Pour exercer une profession libérale, il faut aimer sauter dans le vide sans filet, ne pas avoir peur du danger et de l’incertitude. Il faut savoir se ramasser et rebondir ! »

« La justice apporte de moins en moins une réponse satisfaisante à mes clients qui travaillent dans la fonction publique. L’indemnisation devant un tribunal administratif est quasiment inexistante. […] En cas de reconnaissance du harcèlement moral, le plus souvent, il ne se passe rien au sein de l’entité qui emploie la victime. C’est juste une décision sur un bout de papier ! S’il se passe quelque chose, c’est la victime qui est changée de service : on la met généralement dans un placard. Le bourreau, lui, continue sa carrière sans être inquiété.
Pour toutes ces raisons, j’explore d’autres voies. Je conseille à mes clients un suivi psychologique et/ou une mutation. Ma priorité est que mon client puisse faire son deuil de l’évènement, digérer l’injustice qu’il a subie et rebondir vers un nouveau poste. La réponse n’est pas forcément dans le conflit qui paraît parfois totalement inéquitable : elle est à mon sens, surtout, dans la résilience. »

 


  • Entretien avec Nadine REY, avocate et art-thérapeute, qui nous incite par son franc parler à l’introspection et à la prise de recul.

Quelques extraits :

« Idéaliste, je me suis toujours placée du côté des opprimés. Aujourd’hui, ma préoccupation essentielle est d’aider les personnes à donner du sens à ce qu’elles vivent, à comprendre l’altérité, les origines de leurs différends et à créer d’autres manières d’être. »

« La pensée existentialiste, à laquelle je me réfère, prône que chaque individu est maître de son destin. Se reconnaître responsable en « adulte debout », offre la liberté de changer, de ne plus autoriser l’autre, quel qu’il soit, à agir sur nous […] »

« Quand ça va mal, je me dis : c’est un passage… ce n’est qu’un passage, demain cela ira mieux. »

« Aux confrères que je forme ou que j’accompagne en thérapie, je dis : « Vous n’êtes pas un avocat. Avocat ne vous définit pas en tant qu’être, c’est un métier. » Et si on n’y prend garde, ce métier nous bouffe ! Il faut prendre conscience de l’indispensable séquençage du temps, pour pouvoir être toujours pleinement présent, à soi, à l’autre. Lorsqu’on arrive le matin au cabinet, on met le masque d’avocat ; au déjeuner, on le dépose et on le reprend, de retour à à 14 heures ; le soir, quand on quitte le cabinet, on l’y laisse, pour pouvoir prendre le masque de mère/père, femme/mari, amante/amant etc.»

« Les avocats font désormais face, d’un côté, à la déjudiciarisation, de l’autre, au big data et à la legaltech qui permettent de trouver – à moindre coût – une solution juridique statistiquement exacte en une nanoseconde. Mais solution « statistiquement exacte » ne signifie pas solution « juste » ! Seuls les avocats, qui seront capables d’accompagner les personnes sur le plan humain vers leurs propres solutions singulières, continueront d’exister. »

 


Quelques extraits :

« J’estime que le métier d’avocat est un art complet, à l’image de l’opéra: il faut jouer sur plusieurs tableaux, car la représentation allie chant (voix), costumes (apparences) et décor (spécificités locales). Ce métier nécessite force, pugnacité, rigueur et précision. »

« Etant un électron libre, je me suis lancée un défi : Est-ce que quelqu’un qui n’appartient à aucun syndicat peut être élu [au Conseil de l’Ordre]? J’en suis la preuve. »

« Il est essentiel de déterminer quelle est votre nature profonde, avant de décider de votre avenir professionnel. Si vous choisissez un métier qui ne correspond pas à votre caractère, votre supplice sera quotidien. »

« Le métier d’avocat est stressant, peu importe l’âge et l’expérience. Plaider un dossier délicat, c’est comme passer un examen. On ressent du stress à chaque fois, même après 50 ans de barreau (rires) ! On se demande : est-ce que j’ai été bon(ne) ou mauvais(e) ? Quand on perd une affaire dans laquelle on s’est beaucoup investi(e), il est normal d’être très déçu(e). Néanmoins, lorsque vous avez fait de votre mieux, il est contre-productif de vous miner le moral. Pour garder la santé, il est primordial de savoir relativiser tout échec ! »

« On dit que la profession d’avocat va devenir de plus en plus dure. Moi, j’ai une vision optimiste, car je suis convaincue que les jeunes avocats sauront se saisir des nouveautés techniques, économiques et sociales. Il y a toujours de nouveaux domaines en jachère qui se développent. Ce métier garantit beaucoup de liberté à l’intérieur d’un cadre : tant que vous respectez les règles strictes de la profession et ses valeurs, vous pouvez jouer. Rien n’est écrit d’avance ! »

Cet entretien est à retrouver également sur le site DLBA Avocats.


  • Entretien avec Hanane BENCHEIKH , avocate associée en droits des sociétés, qui se livre avec générosité sur toutes les étapes de son parcours de stagiaire à associée. En ne reniant jamais ses valeurs et en sollicitant un coach, elle a réussi son association et elle a trouvé sa place au sein du dur monde des avocats, où les rapports de force sont permanents !

Quelques extraits :

« On ne s’imagine pas à quel point le monde des avocats est dur notamment dans les relations entre les confrères avec les affrontements et les rivalités. Tout se joue dans des rapports de force permanents. Au bout de quelques mois, j’ai douté d’avoir ma place dans ce milieu : « Est-ce que le métier d’avocat est fait pour les gentils ? » Quand on est gentil, on est tout de suite catalogué faible voire incompétent. Il a donc fallu que j’apprenne à m’affirmer sans pour autant renier mes valeurs. Aujourd’hui, je suis convaincue qu’on peut être une avocate bienveillante dans le monde des affaires ! (rires)  »

« Le fondateur du cabinet où j’étais collaboratrice depuis plusieurs années m’a proposé l’association. Autour de moi, j’avais constaté que souvent, l’associé senior continuait à prendre les décisions et l’associé junior à les exécuter. Moi, je tenais à un véritable partenariat entre associés, c’est pourquoi ma réponse a été : « Je ne veux pas que tu m’associes ; je voudrais qu’on s’associe. » Je me suis renseignée sur les raisons des échecs d’association de certains confrères. Les plus fréquentes sont : pas de vision commune, pas de projet, pas d’accompagnement des équipes. Nous avons décidé de faire appel à un coach, qui nous a accompagnés pendant deux ans, afin de préparer notre association.  […] »

« Une métaphore pour exprimer ma vision du management idéal est l’attelage de chevaux. Chaque cheval est indispensable au bon fonctionnement de l’ensemble. La jument sensible est attentive aux plus vulnérables. Le cheval peureux alerte en cas de risque. Le cheval fougueux se met en avant. Ce qui est grandiose dans un attelage de chevaux, c’est que chaque faiblesse y est transformée en talent ! »

« Il est important d’assumer de ne pas être en forme et de ne pas faire semblant. […] Savoir dire non est indispensable pour ne pas basculer dans le burnout. »

 


  • Entretien avec Elisabeth CAULY, avocate généraliste, ancien Membre du Conseil de l’Ordre de Paris, qui œuvre avec force et conviction pour plus de transparence et d’équité dans la profession.

Quelques extraits :

-> son libre-arbitre : « Il est essentiel d’être en harmonie avec soi-même. Je n’hésite pas à restituer un dossier. Un avocat n’a pas à être téléguidé par son client. Ce n’est pas ma conception du métier. Liberté et indépendance ! »

-> son expérience d’élue : « Il existe de nombreux dysfonctionnements au sein des institutions de représentation des avocats. Certains élus font usage du droit de manière orientée et d’autres élus de manière approximative. Il est problématique que les nouveaux élus ne soient pas formés à leur prise de fonctions, en particulier sur la déontologie et la discipline. Lorsque les décisions rendues par des élus sont infirmés par la Cour d’Appel, cela porte atteinte à l’autorité de l’Ordre des Avocats. C’est pourquoi, il est – à mes yeux -nécessaire d’organiser une formation à l’attention des futurs élus, notamment en transformant le week-end d’intégration festif en trois journées de formation intensive et en associant un ancien Membre du Conseil de l’Ordre en support du nouvel élu pendant un mois, afin de le sensibiliser aux problématiques multiples et complexes de la profession. »

-> sa gestion vie pro-vie perso : « Je prends du temps pour moi et je ne culpabilise pas de le prendre. Il faut faire un point quotidien avec soi-même, se poser un quart d’heure et adapter son agenda en permanence : « Où sont mes priorités ? » »

-> sa vision de la charge mentale pesant sur les femmes : « Les femmes sont exhortées à la perfection en tant que compagne, en tant que mère, en tant que professionnelle. Stop ! il faut que chacune aille à l’essentiel… je dirais même son essentiel… car nous sommes toutes différentes ! »

-> sa conception de la confraternité : « La solidarité entre confrères a tendance à s’étioler ces dernières années. Pourtant, aider ne dépossède pas du savoir. Alors mon conseil : jeunes avocats, n’ayez pas peur de demander de l’aide et d’en donner ! L’entraide vaut de l’or. »

 


  • Entretien avec Siv-Huor OU, avocate en droit de la propriété intellectuelle à l’international, qui se confie sur son parcours de vie et partage son expérience tant en grand cabinet que cabinet individuel.

Quelques extraits :

« Ma motivation pour devenir avocate vient de mon histoire familiale. Mes parents ont fui le Cambodge en 1975. Ayant obtenu le statut de réfugiés en France, ils ont travaillé dur, afin de pourvoir aux besoins de leurs enfants. Au cours de ma jeunesse, j’ai ressenti leur désarroi lorsqu’ils n’arrivaient pas à se faire comprendre, je parlais pour eux et je les représentais. Ma vocation d’avocat découle de ce vécu. Aujourd’hui, j’ai à cœur de conseiller et représenter mes clients dans tous les aspects de leur activité. »

« Recourir à un avocat suscite une certaine appréhension. La figure de l’avocat impressionne par son statut de sachant. Il me tient à cœur de créer un lien de confiance. Aussi sans jamais remettre en cause mon indépendance, je mets peu de distance formelle avec mes clients. Cela permet une fluidité dans la circulation de l’information. Tous ces éléments que mes clients osent me dire dans une conversation informelle vont nourrir ma stratégie du dossier. »

« Le rythme de travail dans un grand cabinet est soutenu : on gagne bien sa vie mais on a peu de temps libre. En tant que collaboratrice senior, j’avais le confort de déléguer aux collaborateurs juniors, aux stagiaires, aux assistantes et je traitais des dossiers en toute autonomie. Ma vie a évolué depuis que j’ai créé mon cabinet. Certes, je dois maintenant réaliser toutes les tâches moi-même, mais cela permet de me recentrer sur l’essentiel. »

 


Quelques extraits :

-> son sens du métier : « Les clients attendent de leur avocat un accompagnement, une stratégie. En effet, de nos jours, il suffit de taper une recherche sur internet pour obtenir des informations techniques sur le plan juridique. »

-> son expérience d’élue: « Lorsque je me suis présentée au Bâtonnat, personne ne croyait qu’une femme puisse réussir. Lorsque j’ai été élue en 1997, grâce à la participation massive des femmes au 2ème tour, comme la Première femme Bâtonnière au Conseil de l’Ordre de Paris, j’ai été mal accueillie par certains de mes pairs et bien reçue à l’extérieur du milieu des avocats. […] Je me suis demandée pourquoi certains membres du Conseil de l’Ordre étaient en si forte opposition. Après réflexion, je crois que je leur renvoyais une image du bâtonnat aux antipodes de leurs valeurs : le Bâtonnier devait « régner» en majesté. Or, j’agissais en femme d’action, pragmatique et entreprenante. Certains craignaient que je ne les ridiculise ! […] »

-> ses caractéristiques d’exercice : « Mon goût pour la prise de risques et mon optimisme à toute épreuve m’ont permis de faire bouger les lignes et participer à l’évolution de la société. »

-> sa philosophie : « Ce que j’aime, c’est défricher » et « Ma fierté est d’avoir le courage de faire des choses, même si je me retrouve seule à défendre cette position, sans pouvoir compter sur des soutiens. Mon instinct me conduit à agir conformément à mes convictions.  »

-> ses conseils aux étudiants : « […] un avocat passe toute sa vie à découvrir et à se former, rien n’est jamais acquis. Si vous aimez ronronner, vous allez être en stress permanent car il faut travailler sans relâche. Avec plus de cinquante ans de barreau, je continue à apprendre (Rires) ! »

-> sa vision de l’avenir : « Le président Pierre DRAI prenait plaisir à dire : « Il n’y a pas de bons juges, il n’y a que de bons avocats. » Pourquoi ? Il appréciait que l’avocat lui propose une thèse qui fasse progresser le droit : l’idée était de respecter la loi évidemment, mais d’être créatif et d’en tirer le meilleur parti dans le cadre du dossier en cours. Avec les legaltech et la justice prédictive, l’esprit créatif de l’avocat à la française risque d’être anéanti. »

 


  • Entretien avec Cloé SI HASSEN, avocate indépendante ayant une clientèle de startuppers et de e-gamers (joueurs professionnels de jeux vidéos), qui se livre sans faux-semblant sur les difficultés d’être jeune et d’être femme dans la profession

Quelques extraits :

« Il a été compliqué pour moi au début de ma carrière d’être qualifiée de « femme jeune et sympa ». Au premier regard, personne ne m’accordait de la crédibilité ! Certains confrères se mettaient en mode séducteur, d’autres en mode paternaliste. Moi, j’aurais aimé qu’on me prenne au sérieux en tant que professionnelle. La revanche arrivait généralement en plaidoirie, quand mon argumentation s’avérait solide et percutante, mon adversaire surpris me jetait un regard noir. Là, je ressentais un sentiment de fierté ! Depuis que j’ai passé la trentaine, cela va mieux ! (rires) »

« Les remarques sexistes viennent plutôt des avocats que des clients. Il n’est pas rare que certains confrères disent en début d’audience sur un ton charmeur « charmante Consoeur » ou en fin d’audience sur un ton professoral « Consoeur, vous auriez dû argumenter différemment, moi j’aurais plutôt…! »

« A quelles conditions acceptez-vous d’intervenir pour un client ? Il ne faut pas être corvéable à merci. En début de carrière, vous croyez qu’il est nécessaire de répondre à toutes les sollicitations, y compris à une demande d’aide gratuite formulée via whatsapp sous un délai de 24h. Or, ce type de client va revenir souvent vers vous par la suite « pour une petite question rapide » qui, selon lui, ne mérite aucune rémunération mais qui vous prend du temps. Le jour où vous oserez lui parler d’honoraires, il ira voir un autre confrère qui acceptera pour cette première fois de ne pas être payé… et ainsi de suite… Vous pouvez donc proposer une première consultation gratuite, mais si le client en réclame une deuxième et une troisième, c’est qu’il ne sera jamais enclin à vous régler. Choisissez des clients qui ont de la considération pour votre travail ! »

« Mon souhait est que les associés hommes fassent évoluer les collaboratrices femmes comme leurs homologues masculins dans l’exercice du métier d’avocat. Il appartient aux grands cabinets de montrer l’exemple et, en particulier, d’organiser des conditions de travail favorables aux mères de famille. Une initiative comme « Moms à la barre » est la preuve qu’il existe de graves disfonctionnements auxquels il convient de remédier.»

 


  • Entretien avec Elisabeth DEFLERS, avocate depuis 50 ans principalement en droit de la publicité et en droit de la famille, livre sa vision pluri-disciplinaire du métier et son expérience d’élue au Conseil de l’Ordre de Paris

Quelques extraits qui caractérisent l’essence de son exercice :

-> son sens du métier: « A mes débuts comme aujourd’hui, je suis avant tout intéressée par la relation client : il est primordial pour moi de trouver une solution concrète pour mes clients. En fonction du domaine d’activité, le rythme est différent. En droit de la publicité, qui a été mon cœur de métier pendant 40 ans, si vous recevez une question à 9h et que vous n’avez pas répondu à 11h, l’agence vous appelle pour savoir si vous êtes malade ! Le flux de travail est tendu. A 60 ans, j’ai voulu ralentir la cadence donc j’ai arrêté les dossiers en droit de la publicité où tout est à faire en urgence et je me suis focalisée sur le droit de la famille où il est important de prendre le temps d’écouter le client et d’apaiser le conflit avec son partenaire, afin d’aboutir à un accord amiable. »

-> ses caractéristiques d’intervention : « Il faut garder à l’esprit que les clients sont dans l’angoisse quand ils sollicitent un avocat : notre devoir est de la faire disparaître au plus vite. »

-> son expérience d’élue: « A 38 ans, j’ai été la douzième femme élue dans l’histoire des élus du Barreau et j’ai été la première femme Secrétaire du Conseil, soit le plus proche collaborateur du Bâtonnier. Guy DANET m’a appris deux choses essentielles pour la suite de ma carrière : accorder sa confiance et savoir déléguer. Depuis quelques années, le bâtonnat est désacralisé. Il arrive que certains membres du Conseil de l’Ordre ne soutiennent pas le Bâtonnier et soient même en opposition permanente. Il est regrettable que des clans s’y affrontent. A mon avis, cela est gravement préjudiciable à l’institution. Une fois élus, tous les membres du Conseil devraient avoir vocation à œuvrer ensemble pour faire évoluer la profession.  »

-> ses conseils aux étudiants : « Le métier d’avocat ne convient pas aux « doux rêveurs » qui papillonnent. Pour s’épanouir en tant qu’avocat, il faut être d’un tempérament « gros bosseur », qui sait optimiser son temps, écarter le superflu, aller droit au but et trancher dans le vif. »

-> sa vision de l’avenir : « Dans les années 1960 à 2000, un jeune avocat débutait dans la profession comme généraliste, ce qui lui permettait de traiter des problématiques variées et par la suite de se spécialiser dans un domaine. La variété était le sel de notre métier. Dans ma carrière, j’ai ainsi exercé dans plusieurs domaines : droit pénal, droit de l’immobilier, droit de la communication, droit de la propriété intellectuelle et droit de la famille. Aujourd’hui, il y a une course à la spécialisation dès l’Ecole d’Avocat. Or, cela rend l’installation plus difficile. […] »

 


  • Entretien avec Carole VERCHEYRE-GRARD, avocate indépendante en droit social et en droit commercial, qui a su trouver son équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. Oui, c’est possible Mesdames !

Quelques extraits :

« Mon rôle est d’accompagner mes clients dans les dédales juridiques et de leur permettre de faire valoir leur vérité. Il est important de garder à l’esprit que la recherche de « la Vérité » n’a pas de sens : il existe seulement des vérités subjectives. Et surtout, je crois en l’humain : aussi, même si le dossier est compliqué à gagner au regard des règles de droit, je suis stratège et je mets tout en œuvre pour démontrer une injustice ! »

« Pour préserver la vie privée, il faut accepter soit de gagner moins d’argent soit de déléguer certaines activités. Quand j’étais collaboratrice, je ne voulais absolument pas négliger ma vie de famille. Ce n’était pas envisageable de ne voir ma fille ainée que tard le soir donc je quittais le bureau tous les jours à 17h. Ma concession était financière : j’étais payée aux 3/5èmes. Lorsque je me suis installée à mon compte et que mes enfants étaient encore jeunes, je ne travaillais pas le mercredi pour profiter d’eux. »

« « Ne pas trop donner de soi aux clients » Plus on donne, plus il y a un risque que le client le considère comme un dû. Il est essentiel de délimiter le cadre de l’intervention et de trouver la bonne posture professionnelle : être ni trop distant ni trop empathique. Au début de ma carrière, je l’ai appris à mes dépens dans un dossier où je me suis énormément investie et où j’ai peu facturé. Un vendredi, ma cliente a tenté de me joindre à 17h. Le lundi d’après, elle est venue récupérer son dossier à mon cabinet en expliquant que ses amis lui avaient dit qu’une avocate indisponible à 17h n’était pas « une bonne avocate. »

« Il est essentiel de se poser les questions suivantes avant de choisir des études d’avocat:
– Est-ce que je suis capable de travailler seul, longtemps ?
– Est-ce que je suis capable de prendre des décisions et de trancher ?
– Est-ce que je suis capable de travailler sans être complimenté ou remercié ?
Si vous répondez non à une seule de ces questions, alors il convient sérieusement de réfléchir à une autre orientation… »

 


Quelques extraits :

« Pour bien négocier une opération d’acquisition, il est important de s’imprégner de l’activité économique de son client et de la société cible, tant dans leurs enjeux que dans leurs risques. L’entreprise est au cœur de mes préoccupations. Au début d’un dossier, je prends toujours le temps de l’analyse du secteur, des objectifs, des contraintes et des défis de la société de mon client. Je tiens à ce que mon accompagnement juridique lui apporte une plus-value. »

« J’ai développé au fil des dossiers une règle des 3 « i » pour immersion, interprétation et intervention. L’immersion permet d’apprendre à connaître l’entreprise et son domaine d’activité. L’interprétation consiste à procéder à l’analyse et à la structuration juridique du projet. L’intervention vise à choisir le positionnement de l’avocat entre proactivité et soutien, qui soit le mieux adapté à l’interlocuteur qui s’avère être tantôt le chef d’entreprise tantôt le directeur juridique. »

« Je crois en la mixité comme levier de performance des cabinets. Des études témoignent en effet de l’efficacité des équipes qui comptent femmes et hommes. Une femme appréhende les situations de manière différente d’un homme ; sans tomber dans les clichés des comportements de genre, les femmes ont généralement un talent d’organisation et d’anticipation tandis que les hommes ont une capacité à être plus directs dans leurs modes d’intervention. Je mesure quotidiennement au sein de mon équipe les effets bénéfiques de la mixité. »

« Le monde des avocats est ultra-concurrentiel : chaque année, il y a plus de 3% de nouveaux avocats qui arrivent sur le marché. Avec l’essor de l’intelligence artificielle, le métier sera rapidement en pleine mutation. Demain, le robot fera une grande partie du travail de recherche et de rédaction mais il ne remplacera jamais l’avocat dans la dimension du conseil et de la négociation. »

 


  • Entretien avec Nolwenn LEROUX, avocate indépendante en droit de la famille, qui nous a livré sa vision du métier avec passion et authenticité!

Quelques extraits :

« Mon rôle est celui d’un facilitateur. Mes clients sont englués dans leurs problèmes. Je vais faciliter l’issue avec des outils de communication, de négociation et de droit. Mon but est de rendre la situation moins difficile qu’elle n’est déjà. J’accompagne mes clients vers la sortie. Je les amène à regarder le passé, gérer le présent et se projeter vers l’avenir.»

« L’installation, c’est une histoire d’argent et d’ego ! Comme je suis joueuse, j’ai parié ! Ça a été une vraie épreuve. J’ai été lâchée dans le grand bain sans bouée et même avec des poids. Le bureau installation de l’Ordre a tenté de m’en dissuader, certains confrères attendaient que je me prenne les pieds dans le tapis et ma famille ne comprenait pas et ne m’a pas vraiment soutenue. J’ai fait partie d’un réseau d’affaire (BNI) pendant six ans. Cela m’a peu apporté côté business ; en revanche, cela a été très enrichissant d’échanger avec d’autres personnes qui étaient dans une dynamique d’entrepreneuriat. La solitude dans la profession, c’est un handicap. »

« L’écoute c’est 80% de mon exercice en droit de la famille. Je mets le dossier à plat avec le client. Si la situation est noire, on constate ensemble qu’elle est noire. Je ne suis pas une magicienne. J’accompagne le client ; je ne me substitue pas à lui. On regarde ensemble la réalité, puis on voit ce qu’on peut faire juridiquement. Aujourd’hui, je travaille majoritairement en mettant en œuvre la négociation raisonnée et le processus collaboratif qui permettent aux clients de trouver une solution coconstruite à l’amiable.»

« En droit de la famille, il faut beaucoup d’empathie. Une femme est clairement moins gênée par les relations humaines et par les émotions. Certains avocats hommes ne prennent pas en compte ces aspects qu’ils considèrent en dehors de leurs fonctions. Il faut du recul. Être une femme avocat est plutôt un atout pour l’accompagnement des clients en droit de la famille. Et au sein du cabinet, entre femmes, on n’a pas besoin de rouler des mécaniques, on ne fait pas de chichi, on n’a rien à se prouver. C’est plus authentique. »

« L’avocat en droit de la famille qui ne fait que du contentieux n’existera plus dans 5 ans. Celui qui n’a pas pris le virage des modes amiables, il est grand temps qu’il se lance ce nouveau défi ! Les juges ne veulent plus voir les avocats, plein de choses sont contractualisées. Pour ma part, je trouve que c’est une bonne chose. Mais il faut que les citoyens aient encore le choix entre justice privée et justice publique. La médiation ne fonctionne pas si elle est imposée par le tribunal. La démarche doit être volontaire, comme tous les modes amiables d’ailleurs. Ceux qui font les réformes doivent tenir compte des retours du terrain ! »

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